Château Chauvin - La nouvelle vie de Sylvie Cazes
Cette figure du Médoc a décidé, l’année dernière, d’investir sur la rive droite en rachetant une propriété familiale de Saint-Emilion où beaucoup était à faire. Un pari à sa mesure.
Terroirs, cépages, taille des exploitations, traditions : entre les deux rives du vignoble bordelais, il y a bien plus qu’un estuaire d’écart. C’est donc à la surprise générale que la Médocaine Sylvie Cazes a posé ses valises, au printemps 2014, du côté de Saint-Emilion. Celle qui a dirigé le château Pichon-Longueville Comtesse de Lalande et demeure copropriétaire du Château Lynch-Bages, à Pauillac, a traversé Garonne et Dordogne pour acquérir le Château Chauvin, propriété familiale de 15 hectares qui appartenait à deux sœurs, Béatrice et Marie-France Ondet. Un grand cru, certes, mais encore à l’état brut, où beaucoup restait à faire pour lui donner tout son lustre. Le pari a emballé Sylvie Cazes.
« J’ai toujours eu un faible pour les paysages de Saint-Emilion, si différents de ceux du Médoc, confie la nouvelle propriétaire. J’ai également apprécié la superficie du vignoble, plus réduite que celles que l’on peut trouver sur l’autre rive, mais avec un très beau potentiel. » Comprendre : il y avait ici de quoi installer une production conséquente, à condition de tout remettre en ordre de marche – vignes, installations techniques, commercialisation.
Renouer avec la place de Bordeaux
Pour mener à bien cet ambitieux projet, Sylvie Cazes a fait appel à Philippe Moureau, avec lequel elle avait déjà collaboré au château de Pez (Saint-Estephe) et à Pichon Comtesse. En passant des grandes surfaces médocaines au format plus « confidentiel » du Libournais, ce dernier a retrouvé le plaisir d’être impliqué sur tous les postes de décision. A commencer par la vigne, qui nécessitait de la restructuration (culture des sols, travaux en vert…). Au chai, l’équipe de Château Chauvin avait à cœur de rester fidèle à l’identité des vins qui ont toujours été produits ici, tout en leur conférant « plus de profondeurs et de finesse ». A en juger par l’accueil réservé au millésime 2014 (24,50€), lors de semaine des primeurs, le pari semble réussi.
Au passage, Sylvie Cazes a pu faire la démonstration de son savoir-faire bordelais. Etiquette relookée, lancement d’un second vin pour assurer une sélection plus pointue sur le premier, et, surtout, mise sur le marché des 30 000 bouteilles via le négoce. Un retour sur la place de Bordeaux pour lequel Sylvie Cazes a pris son bâton de pèlerin, et qui devrait assurer à Chauvin un nouveau rayonnement commercial. On peut faire confiance à la présidente de l’association de préfiguration de la Cité des civilisations du vin, à Bordeaux, la future Mecque du mondovino, pour faire parler de son expérience du vignoble. Même en « terre inconnue », bien loin du Médoc.
Mathieu Doumenge – L’Express Edition Spéciale Vins